• Les Serbes veulent-ils vraiment adhérer à l’UE?

    Les Serbes veulent-ils vraiment adhérer à l’UE?

    © AFP 2016 Andrej Isakovic

    INTERNATIONAL
    12:34 09.02.2017(mis à jour 13:17 09.02.2017) URL courte
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    25 ans après la signature du traité de Maastricht, d’aucuns comparent l’UE à la Yougoslavie à la veille de sa dislocation. Même la Serbie, bercée depuis plus de 20 ans par les promesses d’adhésion, n’est point unanime sur cette perspective.

    Selon les récentes études du bureau du gouvernement serbe pour l'intégration européenne, 47% des Serbes demeurent favorables à l'adhésion à l'UE. En 2009, ils étaient 73%. Une longue attente a rendu l'idée d'adhésion beaucoup moins séduisante aux yeux de la population serbe.

    Dusan Prorokovic, du Centre d'alternatives stratégiques de Belgrade, a confié à Sputnik que les objectifs majeurs du traité de Maastricht n'ont pas été atteints.

    « L'union monétaire fonctionne dans une partie de l'UE, mais en réalité les riches deviennent plus riches et les pauvres s'enfoncent dans les dettes. La crise a déjà éclaté en Grèce, elle a touché l'Espagne, le Portugal et l'Irlande, son escalade menace l'Italie et la France. En réalité, c'est l'Allemagne qui en tire avantage », estime l'expert.

    Selon lui, la crise migratoire et la libre-circulation de terroristes entre Bruxelles et Paris suite à l'absence de coordination entre les polices française et belge témoignent qu'il n'existe aucune politique intérieure, étrangère et sécuritaire commune.

    L'expert rappelle que le « scénario yougoslave » a été prédit à l'UE par l'économiste slovène Joze Mencinger. Joze Mencinger a signalé que les problèmes politiques de la Yougoslavie des années 1990 avaient été précédés d'une profonde crise économique qui avait mis au grand jour les contradictions historiques des ethnies qui la peuplaient.

    « L'UE a changé par rapport à 2008 et, d'autant plus, à 1992. Bruxelles n'a aucune raison d'être optimiste, ni de poursuivre dans le même ordre d'idées. Ces problèmes sont évoqués depuis 10 ans et le sort de l'UE aurait pu être différent si les bureaucrates européens n'avaient pas fait semblant que tout allait bien », signale l'interlocuteur de Sputnik.

    En ce qui concerne les 47% de Serbes qui voudraient adhérer à l'UE, le bureau gouvernemental pour l'intégration européenne semble éloigné de la réalité. Le rédacteur en chef de la revue Nova srpska politicka misao (Nouvelle pensée politique serbe) Djordje Vukadinovic a confié dans un entretien à Sputnik que ces résultats étaient surprenants, car ils affichaient un taux de soutien irréellement élevé.

    « Les données faisant état de 29% d'opposants à l'adhésion sonnent faux. Beaucoup dépend, certes, de la façon d'organiser un sondage, mais les enquêtes menées par notre revue et celles de nos nombreux collègues témoignent que depuis un an ou deux, le nombre des partisans et des adversaires de l'adhésion est à peu près égal », affirme Djordje Vukadinovic.

    Selon lui, la fermeté de la position des adversaires de l'intégration européenne augmente elle aussi.

    Tomislav Nikolic
    © SPUTNIK. RADOYE PANTOVICH
     
    D'autre part, le directeur exécutif du Centre pour les élections libres et la démocratie (CESID) Bojan Klacar a assuré Sputnik que les données de son sondage organisé fin 2016 coïncidaient avec celles du bureau pour l'intégration européenne. A la mi-2016, l'idée d'adhésion était soutenue par 50 à 53% et à la fin de l'année par un peu moins de 50% des sondés. L'apogée de l'enthousiasme européiste (66%) a été enregistré en 2013, époque à laquelle la population regardait d'un bon œil le populaire premier ministre Bucic et le soutien accordé par ce dernier à l'idée d'intégration européenne.

    En résumant les opinions de trois experts, on peut dire que les 20 années d'attente ont notablement diminué l'enthousiasme initial des Serbes suscité par l'idée d'adhésion à l'UE. En 20 ans, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts de l'UE, beaucoup de Serbes se sont ravisés, d'autant plus que l'exemple éloquent de la dislocation de la Yougoslavie reste encore frais dans leur mémoire.


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